L’armée américaine hors limites – Présent partout, victorieux nulle part

Les nouvelles de la « meilleure armée du Monde » sont choquantes. Deux rapides navires de l’US Navy qui sont entrés en collision avec de lents bateaux commerciaux, provoquant des pertes humaines. Une US Air Force qui est continuellement en action depuis des années, et qui pourtant n’a pas assez de pilotes pour ses avions de combat. Des soldats qui se retrouvent à combattre des « rebelles » en Syrie dont l’équipement et l’entraînement ont été assurés par la CIA. Des forces spéciales déjà trop sollicitées qui doivent faire face à des besoins grandissants, alors que leurs taux de détresse mentale et de suicide augmentent. Des forces locales d’appoint en Irak et en Afghanistan qui sont tout sauf fiables, revendant souvent sur le marché noir les armes que l’Amérique leur a fournies, si bien qu’elles se retrouvent dans des mains ennemies. Tout cela et plus encore, alors que les dépenses de défense recommencent à s’élever et alors que l’Etat de sécurité nationale croule sous des financements totalisant près d’un trillion de dollars par an.
Que se passe-t-il ? Pourquoi des navires sophistiqués et hautement manœuvrables se heurtent-ils à de lourds cargos ? Pourquoi une armée de l’air qui n’existe que pour voler et pour combattre est-elle à court de 1 200 pilotes ? Pourquoi les forces spéciales américaines sont-elles déployées partout et victorieuses nulle part ? Pourquoi en un mot l’armée américaine est-elle en train de se battre contre elle-même – et de perdre ?

C’est le rythme des opérations, gros bêta !

Après 16 ans d’une guerre contre le terrorisme jamais achevée et qui continue à s’étendre, les sonnettes d’alarme se déclenchent en Asie, des Corées et de l’Afghanistan jusqu’aux Philippines, tandis que dans le grand Moyen Orient (1) et en Afrique la « dernière superpuissance » est enlisée dans une série de conflits sans fin contre un éventail d’ennemis mineurs, dont peu arrivent à maintenir la liste à jour. Si bien que l’armée américaine à l’esprit si volontariste, engagée dans un nombre effarant de missions, est de plus en plus devenue une armée inefficace.
Trop peu de navires, déployés pendant trop longtemps. Trop peu de pilotes usés par des patrouilles incessantes et par des missions de bombardement et de drone qui se multiplient comme la mauvaise herbe. Les forces spéciales (les « commandos de partout » comme les appelle Nick Turse) sont déployées dans bien trop de pays – rien que cette année, plus des deux-tiers des nations de la planète – et engagées dans des conflits qui n’ont guère de chances de se terminer d’une manière favorable pour Washington. Pendant ce temps, des gens bien informés comme le général à la retraite David Petraeus parlent calmement de « guerres générationnelles », qui pour faire simple ne se termineront jamais. Pour paraphraser un vieux slogan d’une émission sportive de ABC, l’armée américaine en englobant le monde « connaît plus souvent l’abattement de la défaite que l’excitation de la victoire ».